Il est difficile de préciser la date de construction de l’église Saint-Jean l’évangéliste de La Valette-du-Var. Cependant on peut avancer qu’au XIème ou XIIème siècle, il y avait une église placée sous ce vocable. L’église est alors le sanctuaire du « Monastère de Valle ».
Elle se limitait au chœur actuel. Le bâtiment est orienté c’est-à-dire que le chevet où s’appuyait l’autel, est construit à l’Est, vers le soleil levant (figure du Christ), en direction de Jérusalem. Cette tension vers la lumière est soulignée actuellement par l’oculus subsistant, mais dans la primitive église, les deux grandes baies, obturées par la suite, laissaient jouer la clarté du jour dans l’édifice.
Le bâtiment est de style provençal- gothique primitif ; son appareillage en pierres de calcaire gris foncé, taillées, remonterait au dernier quart du XIIème siècle.
Dès l’origine, ce fut une église fortifiée, le clocher servant de donjon et d’abri non seulement pour les moines, mais pour toute la population du village qui peu à peu grandissait autour du monastère.
A l’extérieur, on peut encore voir, malgré la maçonnerie qui les englobe, les créneaux du clocher comme au monastère de Lérins, à Saint-Victor de Marseille, à Montmajour, etc. Les temps étaient troublés : par exemple, à cette époque (1178) , les frères du chapitre de la cathédrale de Toulon avaient été enlevés par les Sarrasins …« L’impression de puissance martiale…tempérée par l’austère beauté des trois travées…l’absence de tout ornement, la pureté de son architecture rappelant l’ascèse monastique de ses bâtisseurs, confèrent à cette église un caractère particulier… Lors de travaux en 1957, ont été découverts les restes de 7 à 8 personnes enterrées dans le chœur. C’était autrefois une place honorifique réservée à des personnages importants. Peut-être reposent là des membres de la branche valettoise de la famille des « de Thomas de Saint-Marguerite »
La nef, elle, a été construite pour répondre à la poussée démographique du XVIIème siècle. Le terrain a été pris sur le cimetière d’alors ( Place Carnot) . Les travaux se sont étalés de 1613 à 1766 (le clocher de 20m.) avec des arrêts dus à la peste, au manque d’argent ou à des difficultés juridiques.
Contrairement au chœur, la nef est peinte, peintures datant du XVIIème siècle et récemment restaurées. De part et d’autre, les « tentures » peintes étaient destinées à recevoir des tableaux surmontant autant d’autels latéraux. Sur l’arc triomphal est représentée la vierge de l’Apocalypse (livre écrit par saint Jean) ; elle triomphe du dragon, porte dans sa main droite un calice, dans sa gauche un cartouche où est écrit la parole du Christ : « Je suis la Vérité » . Tout autour l’inscription latine (autre parole du Christ) se traduit : « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ». Tout ce programme iconographique semble désigner l’Eglise.
La façade à pignon borde la route et s’ouvre d’un monumental portail exécuté en 1689. L’imposte représente « Saint Jean écrivant l’Apocalypse dans l’île de Patmos ». Cette œuvre fait l’objet de discussion au sujet de son auteur : est-elle du célèbre Puget ou de ses élèves ?
En dehors de la magnifique porte, cette église est riche de quelques œuvres d’art parmi lesquelles:
– Le tableau du « Rosaire » de Grève (1656),
– « La mort de saint Joseph » attribué à Puget (actuellement à la mairie),
– « Saint Jean écrivant son Apocalypse » aussi de Puget, mais malheureusement retravaillé en 1815,
– Les beaux-Arts ont classé le tableau du Rosaire ainsi que la belle statue Vierge située au dessus du portail d’entrée.
Saint Jean à
la Porte Latine
Vers 95, sous le règne de Domitien, à Éphèse, ville de l’Asie proconsulaire, vivait saint Jean, fils de Zébédée. Il y était venu sans doute de Jérusalem après la dormition de la Sainte Vierge qu’il avait aimée et servie comme le fils le plus dévoué.
A Éphèse, Église florissante fondée par saint Paul, Jean était entouré d’un groupe de nombreux disciples. On l’interrogeait sur le Sauveur qui l’avait marqué de Sa prédilection, sur les Apôtres dont on voulait tout savoir. Il enseignait avec une inlassable charité, répandant partout les lumières éclatantes et les ardentes flammes qui s’étaient épanchées en lui du Coeur divin de Jésus.
Sur ces entrefaites commença la persécution de Domitien. La réputation de Jean, son influence et surtout le fait de son intimité avec Jésus suffisent sans doute pour expliquer son arrestation par les émissaires impériaux.
Amené à Rome, Jean comparut devant un juge; il fut condamné à mort. Pour l’exécution, on le conduisit au sud-est de Rome, devant la Porte Latine. Après la flagellation, prélude obligé de la peine de mort, on le plongea dans une cuve d’huile bouillante. L’horrible supplice fut impuissant contre lui; on le retira plus vigoureux et comme rajeuni. Ce miracle émut le juge, qui n’osa pas essayer un autre tourment sur l’homme protégé du Ciel d’une façon si évidente.
Jean fut relégué dans l’île de Patmos, au large des côtes d’Asie, dans la mer Égée. Dieu l’avait amené là pour lui révéler Ses secrets. Dans l’isolement de l’île, Jean eut la prophétique vision dont il nous a laissé le récit dans son Apocalypse, livre le plus mystérieux de la Bible, malgré les nombreux essais d’interprétation que les siècles ont successivement tentés.
Saint Jean, représenté tenant d’une main un livre et de l’autre une plume avec l’aigle à ses pieds est le patron des ouvriers du livre, parce que nul n’a su, comme lui, pénétrer et décrire les secrets de la vie divine.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950